Si je choisis la seconde voie que nous avons nommée « politique compétence », je m’installe ( si je le veux bien) dans une vision renouvelée de l’investissement formation . Entendue et comprise ici comme un investissement dans les dépôts et entrepôts de savoirs et de compétences utiles à l’exercice des métiers dans l’entreprise. Il faut entendre, la thématique des usages et utilités , des savoirs et des compétences comme étant valables aussi bien pour le chef d’entreprise que pour le salarié.
Si je choisis cette voie je rentre dans un « four » de questions brûlantes ! Brûlantes questions mais aussi brûlantes réponses car elles sont les unes et les autres inhabituelles, peu fréquentées voir considérées comme non fréquentables.
La « brûlure » tient au fait que la question et les réponses qui vont avec se déplacent des individus apprenants vers les savoirs utiles, pour faire ce qu’il y a à faire et les moyens d’y avoir accès. On passe d’une logique de l’acquisition des savoirs et des compétences à une logique de l’accès aux savoirs et aux compétences. Nous y reviendrons.
Tout ne peut pas être dit et présenté dans une note aussi courte.
Allons à l’essentiel.
Présentons maintenant les différentes familles d’actes qu’il faut poser et maîtriser pour donner corps à cette seconde voie nommée « politique compétence ». Pour avancer dans cette voie, plusieurs approches doivent être liées ensemble et justement agencées. A savoir :
- l’analyse des activités de l’entreprise,
- les cartes compétences,
- les référentiels compétences et emplois de l’entreprise,
- les référentiels métiers ( individus),
- les choix de la branche,
- les tendances économiques et métiers du territoire sur lequel vit l’entreprise
- et bien entendu ne les oublions pas les cadres juridico-gestionnaires et financiers proposé par la nouvelle loi sur la formation professionnelle accompagnée de ses décrets d’application
Premier acte – activité et compétences . Il n’est pas possible de bâtir une politique compétence si l’on n’a pas en préalable établi la carte des activités (principales et secondaires) de l’entreprise, des ateliers et services qui la composent, sans oublier l’ensemble des organisations partenaires etc.
Les compétences développées au sein de l’entreprise ou celles développées par un individu seul ou en groupe se pensent et se disent toutes à partir d’une description fine de l’activité productive. Il nous faudra distinguer les « activités – processus » des « activités – interventions ». À partir de cette carte d’activités que nous pouvons appeler carte mère d’autres pourront se déplier à un an à deux ans dans la ligne d’un développement continu ou discontinu des activités de l’entreprise. Elles pourront aussi ces compétences être reconfigurées à partir d’une modification produit et/ou d’une modification marché.
Cette cartographie des activités et des compétences peut être considérée comme un investissement à partir du moment où elle donne naissance à un outil, de préférence numérique, susceptible d’être nourri régulièrement et adapté aux évolutions des activités et des compétences de l’entreprise.
Deuxième acte– Compétences de l’entreprise et compétences des individus. Les compétences de l’entreprise, de l’atelier, du service, des collectifs d’individus et des individus eux mêmes ne sont pas indifférentes les unes aux autres. Elles se pensent et se disent avec les mêmes descripteurs. L’important est alors d’articuler à des fins de bonne politique la description des compétences dont l’entreprise a besoin pour se développer avec la description des compétences dont l’individu collaborateur a besoin lui aussi pour se développer et faire valider ses compétences. Il n’y a pas incompatibilité. Sans grande difficulté, il est possible de passer de la carte compétences de l’entreprise ( ateliers et services) à la carte compétences des individus qui exercent dans l’entreprise. Ces cartes de compétence peuvent ensuite être reliées à des référentiels métiers. Le rapprochement des deux ,d’une part la carte compétences du métier tel qu’il est exercé dans l’entreprise avec d’autre part la carte des compétences telles qu’elles sont décrites dans le référentiel métiers nous permettra d’identifier les écarts à combler, si souhaité.
Même remarque que pour le premier acte. Ces cartes compétences, celle de l’atelier, celle du métier exercé d’entreprise par un individu et celle du métier en général peuvent être considérées comme des investissements pour l’entreprise et le service RH à partir du moment où elles donnent naissance à des outillages numériques utiles et utilisables par les services et les personnes concernés
Troisième acte – les ressources compétences et savoirs. Les compétences ainsi que les savoirs de toute nature et les interventions qui les nourrissent peuvent être acquises en situation d’exercice de l’activité en liaison avec ceux qui maîtrise déjà le métier dans l’entreprise. L’accès à ces savoirs et compétence sera facilité s’il existe une mémoire (numérique) de ces savoirs de toute nature ainsi que des compétences qui leur donnent forme et corps. Les ressources (savoirs et compétences) peuvent aussi être acquises , en situation de « centre de formation » ou autre institution de formation.
L’idée majeure pour ce troisième acte, ressources compétences et savoir serait d’investir dans des supports de mémoire numérique permettant de fixer la ressource, savoirs et compétences à un instant T mais aussi et surtout de l’enrichir régulièrement et par ce moyen la rendre accessible au plus grand nombre.
Quatrième acte – création de valeur ajoutée et dépliement de cette valeur. Nous sommes toujours dans des énoncés courts et concentrés. Acceptons le défi et continuons. La mise en place des trois premiers actes, activités, compétences et ressources constitutifs d’une politique compétence au sein de l’entreprise nous invite à décrire à nouveau mais autrement l’investissement ainsi réalisé.
Nous disposons par les moyens que nous venons de décrire de cartes activités et compétences ainsi que de ressources savoirs et compétences, objectivées et accessibles à tous ceux qui veulent en faire usage dans les ateliers, les services de l’entreprise. L’enrichissement en continu de ces dépôts et entrepôts génère une puissante réactivité pour tout apprentissage nouveau ou à venir. Il n’y a plus de temps d’attente pour préparer l’accès à une ressource utile pour les activités productives de l’entreprise. La ressource est là, présente, disponible sur n’importe quel lieu et à n’importe quel moment. Elle est d’autant plus pertinente qu’elle est régulièrement enrichie par ceux qui en font usage.
Ajoutons que le vivant de cette ressource suppose qu’elle soit accompagnée par des personnes qui ont l’habitude de l’utiliser dans l’exercice quotidien de leur activité. Ajoutons que se trouve ainsi créée par ce moyen une richesse, certes volatile, d’accompagnateur (tuteurs, parrains ou autre Mentor) professionnels. Ces accompagnateurs ne sont pas externes à l’entreprise ils sont internes aux services et aux ateliers En posant leur geste d’accompagnateur ils enrichissent leur maîtrise du métier et font passer auprès des nouveaux, jeunes ou anciens, la mémoire professionnelle de l’entreprise.
Enfin cette valorisation interne, peut être doublé si souhaité par une valorisation externe. L’entreprise peut alors proposer de la ressource et des accompagnateurs de cette ressource à des entreprises partenaires présentes sur son territoire ou dans son réseau.
En résumé on peut distinguer trois niveaux de retour sur investissement :
- le premier relève de ce que l’on peut appeler la mémoire des savoirs et des compétences de l’entreprise,
- le second d’une juste et habile mobilisation des professionnels salariés de l’entreprise pour favoriser l’accès à ces ressources pour les nouveaux collaborateurs,
- le troisième niveau fait de l’entreprise un pourvoyeur de ressources pour d’autres entreprises ( partenaires, territoires et réseaux).
A suivre…